+
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+
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+
+
CCLXIV
A
MAURICE SAND, A
PARIS
+
+
+
Nohant, 18 février
+ 1848
+ Mon cher garçon,
+
Je suis bien contente d'avoir de tes nouvelles. Je ne suis pas bien gaie loin de
+ toi, quoique je me batte les flancs pour l'être. Mais, enfin, il faut bien que
+ tu remues un peu et que tu prennes l’air du bureau,
+ que tu respires l'air pur et embaumé de Paris, et que tu ailles adorer les décrets divins du jury de
+ peinture. Apprête-toi à tout ce qu'il y a de pis, afin de n'avoir pas la
+ souffrance et le dépit des autres années.
+
Il me faut tout de suite les états de service de
+ mon père : je t'avais dit que
+ c'était une des choses les plus pressées, ainsi que de te renseigner auprès de
+ ton oncle. Mais tu te plonges dans les délices du carnaval, et tu oublies tes
+ commissions. Amuse-toi, c'est fort bien, « nous n'en doutons pas », comme on dit
+ à Dun-le-Carrik ; mais il faut faire marcher de front
+ les affaires et les plaisirs, ni plus ni moins qu'un petit Buonaparte. Songe que, si je suis en retard, et que je paye mille
+ francs d'amende par quinzaine, ça ne sera pas du tout drôle. Or j'arrive dans
+ très peu de jours à l'époque de la vie de mon
+ père où je ne sais plus rien. Les
+ Villeneuve n'en savent rien non plus. J'ai écrit au général Exelmans; mais il est à
+ Bayonne, et Dieu sait quand il me
+ répondra, Dieu sait de quoi il se souviendra. Mon oncle doit savoir les
+ campagnes que mon père a faites depuis
+ 1804 jusqu'à 1808. Demande
+ surtout tes états de service ; avec cela, on est sûr
+ des principaux faits. Vite, vite et vite!
+
Rien de changé ici, en dehors de ton absence, qui fait un grand
+ changement. Borie est encloué comme un canon, c'est-à-dire qu'il a un clou je ne sais pas où, mais je présume que c'est dans
+ un vilain endroit. Il est sens dessus dessous à l'idée qu'on va faire une révolution dans Paris. Mais je n'y vois pas de prétexte raisonnable dans
+ l'affaire des banquets. C'est une intrigue entre ministres qui tombent et
+ ministres qui veulent monter. Si l'on fait du bruit autour de leur table, il
+ n'en résultera que des horions, des assassinats commis par les mouchards sur des
+ badauds inoffensifs, et je ne crois pas que le peuple prenne parti pour la
+ querelle de M. Thiers contre
+ M. Guizot. Thiers vaut mieux à coup sûr; mais il ne
+ donnera pas plus de pain aux pauvres que les autres. Ainsi je t'engage à ne pas
+ aller flâner par là; car on peut y être écharpé sans profit pour la bonne cause.
+ S'il fallait que tu te sacrifiasses pour la patrie,
+ je ne t'arrêterais pas, tu le sais; mais se faire assommer pour Odilon Barrot et, compagnie, ce serait trop
+ bête. Ecris-moi ce que tu auras vu de loin et ne te
+ fourre pas dans la bagarre, si bagarre il y a, ce que je ne crois pourtant
+ pas.
+
Tu ne savais donc pas que Bakounine
+ avait été banni par notre honnête gouvernement. J'ai
+ reçu une lettre de lui il y a un mois environ, et je crois te l'avoir lue; mais
+ tu ne t'en souviens pas. Je lui ai répondu, avouant que nous étions gouvernés
+ par de la canaille, et que nous avions grand tort de nous laisser faire. Au
+ reste, l'Italie est sens dessus dessous. La
+ Sicile se déclare indépendante, ou peu
+ s'en faut. Naples est en révolution et le
+ roi cède. Ces
+ nouvelles sont certaines à présent. Seulement tout ce qu'ils y gagneront, c'est
+ de passer du gouvernement despotique au gouvernement constitutionnel, de la
+ brutalité à la corruption, de la terreur à l'infamie, et, quand ils en seront
+ là, ils feront comme nous, ils y resteront longtemps. Non, je ne crois pas non
+ plus à la chimère de Borie.
+
Nous sommes une génération de fainéants et le Dieu nouveau s'appelle Circulus. Tachons, dans notre coin, de ne pas devenir
+ ignobles, afin que, si, sur mes vieux jours, ou sur les tiens, il y a un
+ changement à tout cela, nous puissions en jouir sans rougir de notre passé.
+
Bonsoir, mon Bouli.
+
+
+
+ CCLXV
AU
MÊME
+
Nohant, 23 février 1848.
Mon
+ enfant,
+
Nous sommes bien inquiets ici, comme tu peux croire. Nous savons seulement ce
+ soir que la journée de mardi a été agitée et que celle d'aujourd'hui a dû l'être
+ encore davantage. Il faut que tu reviennes tout de suite; non pas que je me
+ livre à de puériles frayeurs, ni que je veuille te les faire partager, quand
+ même je les éprouverais.
+
Tu sais bien que je ne te donnerais pas un conseil de couardise. Mais ta place
+ est ici, s'il y a des troubles sérieux. Une révolution à Paris aurait son contrecoup immédiat dans les provinces, et
+ surtout ici, où les nouvelles arrivent en quelques heures. Tu as donc des
+ devoirs à remplir dans ton domicile et ton absence ne serait pas excusable. Je
+ ne te parle pas de moi : je ne crois à aucun danger personnel et ne suis
+ d'ailleurs pas du tout disposée à m'en préoccuper. Mais, si j'avais à agir et à
+ me prononcer pour quoi que ce soit, tu es mon représentant naturel. Viens donc
+ tout de suite, à moins que tu ne voies la tranquillité absolument rétablie.
+ Laisse à Lambert le soin de nos affaires à
+ Paris. Tu y retourneras d'ailleurs dans
+ quelques jours, quand nous aurons vu l'état des choses.
+
+
Bonsoir, mon enfant; je
+ t'attends. J'espère un mot de toi demain matin. Si la poste n’arrive pas,
+ c'est que l'affaire aura été sérieuse. Mais tu n'as là, je le répète, aucun
+ devoir à remplir, et, ici, tu peux en avoir auxquels il ne faut pas manquer.
+ Je t’embrasse mille fois. Ta
+ mère.
+
+
+
+
+
CCLXVI
AU
MÊME
+
+
+ Nohant, 24 février 1848.
+ Mon enfant,
+
Ta lettre de mardi, reçue ce matin jeudi, m'a fait grand bien. Dieu veuille que
+ j'en reçoive encore une demain matin; car on nous a annoncé la journée de
+ mercredi comme devant être grave, et mes inquiétudes ne sont calmées que pour
+ renaître. Je vois que tu cours et que tu flânes, je m'y attendais bien; mais, au
+ moins, puisses-tu être prudent et adroit pour échapper aux chocs de ce grand
+ ébranlement. Si tout est fini, reste à Paris
+ pour achever tes affaires. Mais, si l’agitation continue, conforme-toi à ma
+ lettre d’hier.
+
Rollinat est ici, jusqu’à dimanche,
+ et nous parlons sans cesse de Paris et de
+ toi. Borie se lève à huit heures du
+ matin et court à la Châtre pour me
+ rapporter tes lettres.
+
Bonjour au petit Lambert ;
+ qu’il soit prudent pour lui pour toi. Bonsoir, mon cher enfant. Je suis inquiète
+ et je t’aime. Je voudrais être à demain. Ta
+ mère.
+
+
+
+ CCLXVII
A
M. GIRERD, A
+
NEVERS
+
Paris, lundi soir, 6 mars 1848.
+ Mon ami,
+
Tout va bien. Les chagrins personnels disparaissent quand la vie publique nous
+ appelle et nous absorbe. La République est la meilleure des familles, le peuple
+ est le meilleur des amis. Il ne faut pas songer à autre chose.
+
La République est sauvée à Paris; il s'agit
+ de la sauver en province, où sa cause n'est pas gagnée. Ce n'est pas moi qui ai
+ fait faire ta nomination ; mais c'est moi qui l'ai confirmée; car le ministre m'a rendue en quelque sorte
+ responsable de la conduite de mes amis, et il m'a donné plein pouvoir pour tes
+ encourager, les stimuler, et les rassurer contre toute intrigue de la part de
+ leurs ennemis, contre toute faiblesse de la part du gouvernement. Agis donc avec
+ vigueur, mon cher frère. Dans une situation comme celle où nous sommes, il ne
+ faut pas seulement du dévouement et de la loyauté, il faut du fanatisme au
+ besoin. Il faut s'élever au-dessus de soi-même, abjurer toute faiblesse, briser
+ ses propres affections si elles contrarient la marche d'un pouvoir élu par le
+ peuple et réellement, foncièrement révolutionnaire.
+ Ne t'apitoie pas sur le sort de Michel: Michel est
+ riche, il est ce qu'il a souhaité, ce qu'il a choisi d'être. Il nous a trahis,
+ abandonnés, dans les mauvais jours. A présent, son orgueil, son esprit de
+ domination se réveillent. Il faudra qu'il donne à la République des gages
+ certains de son dévouement s'il veut qu'elle lui donne sa confiance. La
+ députation est un honneur qu'il peut briguer et que son talent lui assure
+ peut-être. C'est là qu'il montrera ce qu'il est, ce qu'il pense aujourd'hui. Il
+ le montrera à la nation entière. Les nations sont généreuses et pardonnent à
+ ceux qui reviennent de leurs erreurs.
+
Quant au devoir d'un gouvernement provisoire, il consiste à choisir des hommes
+ sûrs pour lancer l'élection dans une voie
+ républicaine et sincère. Que l'amitié fasse donc silence, et n'influence pas
+ imprudemment l'opinion en faveur d'un homme qui est assez fort pour se relever
+ lui-même si son cœur est pur et sa volonté droite.
+
Je ne saurais trop te recommander de ne pas hésiter à balayer tout ce qui a
+ l'esprit bourgeois. Plus tard, la nation, maîtresse de sa marche, usera
+ d'indulgence si elle le juge à propos, et elle fera bien si elle prouve sa force
+ par la douceur. Mais, aujourd'hui, si elle songe à ses amis plus qu'à son
+ devoir, elle est perdue, et les hommes employés par elle à son début auront
+ commis un parricide.
+
Tu vois, mon ami, que je ne saurais transiger avec la logique. Fais comme moi. Si
+ Michel et bien d'autres
+ déserteurs que je connais avaient besoin de ma vie, je la leur donnerais
+ volontiers, mais ma conscience, point. Michel a abandonné la démocratie, en haine
+ de la démagogie. Or il n'y a plus de démagogie. Le peuple a prouvé qu'il était plus beau, plus grand,
+ plus pur que tous les riches et les savants de ce monde. Le calomnier la veille
+ pour le flatter le lendemain m'inspire peu de confiance, et j'estimerais encore
+ mieux Michel s'il protestait
+ aujourd'hui contre la République. Je dirais qu'il s'est trompé, qu'il se trompe,
+ mais qu'il est de bonne foi.
+
Peut-être croit-il désormais travailler pour une république aristocratique où le
+ droit des pauvres sera refoulé et méconnu. S'il agit ainsi, il brisera
+ l'alliance qui s'est cimentée d'une manière sublime, sur les barricades, entre
+ le riche et le pauvre. Il perdra la République et la livrera aux intrigants ; et
+ le peuple, qui sent sa force, ne les supportera plus. Le peuple tombera dans des
+ excès condamnables si on le trahit; la société sera livrée à une épouvantable
+ anarchie, et ces riches qui auront détruit le pacte sacré deviendront pauvres à
+ leur tour dans des convulsions sociales où tout succombera.
+
Ils seront punis par où ils auront péché; mais il sera trop tard pour se
+ repentir. Michel ne connaît pas et
+ n'a jamais connu le peuple; que ne le voit-il aujourd'hui! Il jugerait sa force
+ et respecterait sa vertu.
+
Courage, volonté, persévérance à toute épreuve. Je suis à toi pour
+ la vie.
+ GEORGE. Je serai demain
+ soir 7 mars à Nohant pour une huitaine de jours; après quoi, je reviendrai
+ probablement ici pour m'y consacrer entièrement aux nouveaux devoirs que la
+ situation nous crée.
+
+
+
+ CCLXVIII
A M.
CHARLES PONCY, A
+
TOULON
+
+
Nohant, 9 mars 1848.
+
Vive la République ! Quel rêve, quel enthousiasme, et, en même temps, quelle
+ tenue, quel ordre à Paris! J'en arrive, j'y
+ ai couru, j'ai vu s'ouvrir les dernières barricades sous mes pieds. J'ai vu le
+ peuple grand, sublime, naïf, généreux, le peuple français, réuni au cœur de la
+ France, au cœur du monde; le plus
+ admirable peuple de l'univers! J’ai passé bien des nuits sans dormir, bien des
+ jours sans m'asseoir. On est fou, on est ivre, on est heureux de s'être endormi
+ dans la fange et de se réveiller dans les cieux. Que tout ce qui vous entoure
+ ait courage et confiance!
+
La République est conquise, elle est assurée, nous y périrons tous plutôt que de
+ la lâcher. Le gouvernement est composé d'hommes excellents pour la plupart, tous
+ un peu incomplets et insuffisants à une tache qui demanderait le génie de
+ Napoléon et le cœur de Jésus. Mais la réunion de tous ces hommes qui ont de
+ l'âme ou du talent, ou de la volonté, suffit à la situation. Ils veulent le
+ bien, ils le cherchent, ils l'essayent. Ils sont dominés sincèrement par un
+ principe supérieur à la capacité individuelle de chacun, la volonté de tous, le
+ droit du peuple. Le peuple de Paris est si
+ bon, si indulgent, si confiant dans sa cause et si
+ fort, qu'il aide lui-même son gouvernement.
+
La durée d'une telle disposition serait l'idéal social. Il faut l'encourager.
+ D'un bout de la France à l'autre, il faut
+ que chacun aide la République et la sauve de ses ennemis. Le désir, le principe,
+ le vœu fervent des membres du gouvernement provisoire est qu'on envoie à
+ l'Assemblée nationale des hommes qui représentent le peuple et dont plusieurs,
+ le plus possible, sortent de son sein.
+
Ainsi, mon ami, vos amis doivent y songer et tourner tes yeux sur vous pour la
+ députation. Je suis bien fâchée de ne pas connaître les gens influents de notre
+ opinion dans votre ville. Je les
+ supplierais de vous choisir et je vous commanderais, au nom de mon amitié
+ maternelle, d'accepter sans hésiter. Voyez : faites
+ agir ; il ne suffit pas de laisser agir.
+ Il n'est plus question de vanité ni d'ambition comme on l'entendait naguère. II
+ faut que chacun fasse la manœuvre du navire et donne tout son temps, tout son
+ cœur, toute son intelligence, toute sa vertu à la République. Les poètes peuvent
+ être, comme Lamartine, de grands citoyens. Les ouvriers ont à nous dire leurs
+ besoins, leurs inspirations. Écrivez-moi vite qu’on y pense et que vous le
+ voulez. Si j'avais là des amis, je le leur ferais bien comprendre.
+
Je repars pour Paris dans quelques jours
+ probablement, pour faire soit un journal, soit autre chose. Je choisirai le
+ meilleur instrument possible pour accompagner ma chanson. J'ai le cœur plein et
+ la tête en feu.
+
Tous mes maux physiques, toutes mes douleurs personnelles sont oubliées. Je vis,
+ je suis forte, je suis active, je n'ai plus que vingt ans. Je suis revenue ici
+ aider mes amis, dans la mesure de mes forces, à révolutionner le Berry, qui est bien engourdi. Maurice s'occupe de révolutionner la commune.
+ Chacun fait ce qu'il peut. Ma fille,
+ pendant ce temps-là, est accouchée heureusement d'une fille. Borie sera probablement député par la Corrèze. En attendant, il m'aidera à organiser
+ mon journal.
+
Allons, j'espère que nous nous retrouverons tous à Paris, pleins de vie et d'action, prêts à mourir sur les
+ barricades si la République succombe. Mais non! la République vivra; son temps
+ est venu. C'est à vous, hommes du peuple, à la défendre jusqu'au dernier
+ soupir.
+
J'embrasse Désirée, j'embrasse
+ Solange, je vous bénis et je
+ vous aime.
+
Ecrivez-moi ici. On me renverra votre lettre à Paris, si j'y suis.
Montrez ma lettre à vos amis. Cette
+ fois, je vous y autorise et je vous le demande.
+
+
+
+ CCLXIX
A M.
CHARLES
+ DUVERNET, A
LA
+ CHATRE
+
+
+ Paris, 14 mars
+ 1848.
+
+ Borie fait comme toi. On t'a annoncé un
+ charivari et tu l'as bravé. Tu lui annonces une aubade d'un autre genre et cela
+ lui donne d'autant plus d'envie d'aller la chercher. Mais je ne suis pas de son
+ avis, je le retiendrai s'il m'est possible.
+
Braver des criailleries n'est rien du tout, pas plus pour un homme, je pense, que
+ pour une femme. Mais je trouve que, pour le moment, il n'y a rien à faire, parce
+ que le peuple est mis hors de cause à la
+ Châtre, que le club devient une question de personnes, et qu'on
+ ne pourrait prendre le parti du principe sans avoir l'air d'agir pour des noms
+ propres.
+
Bonsoir, mon ami; courage quand même! la République n'est pas perdue
+ parce que la Châtre n'en veut pas.
+
A toi.
+ GEORGE.
+
+
+
+
+ CCLXX
A
MAURICE SAND, A
+
NOHANT
+
Paris, 18 mars 1848.
+
Cher enfant,
+
J'ai fait un très bon voyage; mais je n'ai trouvé chez toi ni Élisa ni clefs. On a couru chez trois serruriers
+ pour faire ouvrir la porte: pas de serruriers! Ils étaient tous aux clubs. De
+ guerre lasse, j'ai été coucher dans un hôtel garni. Ce matin, je suis chez
+ Pinson, d'où je t'écris. Elisa et les clefs sont retrouvées. J'irai ce soir
+ loger chez toi, en attendant que je m'installe un peu mieux s'il y a lieu. Mais
+ je ne veux pas encore louer pour un mois, avant de savoir si je pourrai faire
+ quelque chose ici. Je vais aller voir Pauline. Je viens-de faire, en déjeunant, le récit de la fête de
+ Nohant pour la Réforme. Borie en a fait un
+ en déjeunant à Châteauroux, pour le
+ journal de Fleury. Tu les recevras l'un et
+ l'autre et tu feras bien de les lire dimanche, à haute et intelligible voix, à
+ tes gardes nationaux. Ça les flattera. Tu développeras ces articles par des
+ conversations dans les groupes. Tu feras sentir la nécessité de l'impôt pour ce
+ moment de crise. Tu diras que nous sommes très contents d'en payer ta plus
+ grosse part et que ce n'est pas acheter trop cher les bienfaits de l'avenir.
+ Voilà ton thème, que tu traduiras en berrichon.
+
Écris-moi, car je me trouve bien seule ici. Adresse-moi tes lettres rue de Condé. Je t'écrirai plus au long
+ quand j'aurai vu un peu de monde et entamé quelque projet.
+
Tu as dû recevoir la nomination de ton adjoint. Nous allons nous occuper de
+ l'affaire des noyers. Ne t'ennuie pas trop. Travaille à prêcher, à
+ républicaniser nos bons paroissiens. Nous ne manquons pas de vin cette année, tu
+ peux faire rafraîchir ta garde nationale armée, modérément, dans la cuisine, et,
+ là, pendant une heure, tu peux causer avec eux et les éclairer beaucoup. Je
+ t'enverrai du Blaise
+ Bonnin
+ Lettres d'un paysan de la vallée Noire, écrite sous la
+ dictée de Blaise Bonnin., qui te servira de thème.
+ Seulement, mets de l'ordre maintenant dans ces réunions, et, s'il le faut, forme
+ une espèce de club, d'où seront exclus les flâneurs et les buveurs inutiles, les
+ enfants et les femmes, qui ne songent qu'à crier et à danser. Pour le moment,
+ c'est tout ce qu'on peut faire.
+
Je te rebigeVerbe utilisé par George Sand dans sa correpondance qui signifie
+ faire une bise de plus. et je
+ t'aime.
+
+
+
+