-
Notifications
You must be signed in to change notification settings - Fork 0
/
Copy pathanonyme_instruction-chretienne-education_1687.xml
602 lines (602 loc) · 56.2 KB
/
anonyme_instruction-chretienne-education_1687.xml
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
32
33
34
35
36
37
38
39
40
41
42
43
44
45
46
47
48
49
50
51
52
53
54
55
56
57
58
59
60
61
62
63
64
65
66
67
68
69
70
71
72
73
74
75
76
77
78
79
80
81
82
83
84
85
86
87
88
89
90
91
92
93
94
95
96
97
98
99
100
101
102
103
104
105
106
107
108
109
110
111
112
113
114
115
116
117
118
119
120
121
122
123
124
125
126
127
128
129
130
131
132
133
134
135
136
137
138
139
140
141
142
143
144
145
146
147
148
149
150
151
152
153
154
155
156
157
158
159
160
161
162
163
164
165
166
167
168
169
170
171
172
173
174
175
176
177
178
179
180
181
182
183
184
185
186
187
188
189
190
191
192
193
194
195
196
197
198
199
200
201
202
203
204
205
206
207
208
209
210
211
212
213
214
215
216
217
218
219
220
221
222
223
224
225
226
227
228
229
230
231
232
233
234
235
236
237
238
239
240
241
242
243
244
245
246
247
248
249
250
251
252
253
254
255
256
257
258
259
260
261
262
263
264
265
266
267
268
269
270
271
272
273
274
275
276
277
278
279
280
281
282
283
284
285
286
287
288
289
290
291
292
293
294
295
296
297
298
299
300
301
302
303
304
305
306
307
308
309
310
311
312
313
314
315
316
317
318
319
320
321
322
323
324
325
326
327
328
329
330
331
332
333
334
335
336
337
338
339
340
341
342
343
344
345
346
347
348
349
350
351
352
353
354
355
356
357
358
359
360
361
362
363
364
365
366
367
368
369
370
371
372
373
374
375
376
377
378
379
380
381
382
383
384
385
386
387
388
389
390
391
392
393
394
395
396
397
398
399
400
401
402
403
404
405
406
407
408
409
410
411
412
413
414
415
416
417
418
419
420
421
422
423
424
425
426
427
428
429
430
431
432
433
434
435
436
437
438
439
440
441
442
443
444
445
446
447
448
449
450
451
452
453
454
455
456
457
458
459
460
461
462
463
464
465
466
467
468
469
470
471
472
473
474
475
476
477
478
479
480
481
482
483
484
485
486
487
488
489
490
491
492
493
494
495
496
497
498
499
500
501
502
503
504
505
506
507
508
509
510
511
512
513
514
515
516
517
518
519
520
521
522
523
524
525
526
527
528
529
530
531
532
533
534
535
536
537
538
539
540
541
542
543
544
545
546
547
548
549
550
551
552
553
554
555
556
557
558
559
560
561
562
563
564
565
566
567
568
569
570
571
572
573
574
575
576
577
578
579
580
581
582
583
584
585
586
587
588
589
590
591
592
593
594
595
596
597
598
599
600
601
602
<?xml version="1.0" encoding="UTF-8"?>
<?xml-model href="http://oeuvres.github.io/Teinte/teinte.rng" type="application/xml" schematypens="http://relaxng.org/ns/structure/1.0"?> <?xml-stylesheet type="text/xsl" href="../../Teinte/tei2html.xsl"?> <?xml-stylesheet type="text/css" href="http://oeuvres.github.io/Teinte/opentei.css"?>
<TEI xmlns="http://www.tei-c.org/ns/1.0" xml:lang="fre">
<teiHeader>
<fileDesc>
<titleStmt>
<title>Instruction chrétienne pour l’éducation des filles</title>
<author key="Anonyme">Anonyme</author>
</titleStmt>
<editionStmt>
<edition>OBVIL</edition>
<respStmt>
<name>Doranne Lecercle</name>
<resp>Responsable d’édition</resp>
</respStmt>
<respStmt>
<name>François Lecercle</name>
<resp>Responsable d’édition</resp>
</respStmt>
<respStmt>
<name>Clotilde Thouret</name>
<resp>Responsable d’édition</resp>
</respStmt>
<respStmt>
<name>Thomas Soury</name>
<resp>Contributeur</resp>
</respStmt>
</editionStmt>
<publicationStmt>
<publisher>Sorbonne Université, LABEX OBVIL</publisher>
<date when="2017"/>
<idno>http://obvil.sorbonne-universite.fr/corpus/haine-theatre/anonyme_instruction-chretienne-education_1687/</idno>
<availability status="restricted">
<licence target="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/3.0/fr/"><p>Copyright © 2019 Sorbonne Université, agissant pour le Laboratoire d’Excellence «
Observatoire de la vie littéraire » (ci-après dénommé OBVIL).</p>
<p>Cette ressource électronique protégée par le code de la propriété intellectuelle
sur les bases de données (L341-1) est mise à disposition de la communauté
scientifique internationale par l’OBVIL, selon les termes de la licence Creative
Commons : « Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification
3.0 France (CCBY-NC-ND 3.0 FR) ».</p>
<p>Attribution : afin de référencer la source, toute utilisation ou publication
dérivée de cette ressource électroniques comportera le nom de l’OBVIL et surtout
l’adresse Internet de la ressource.</p>
<p>Pas d’Utilisation Commerciale : dans l’intérêt de la communauté scientifique,
toute utilisation commerciale est interdite.</p>
<p>Pas de Modification : l’OBVIL s’engage à améliorer et à corriger cette ressource
électronique, notamment en intégrant toutes les contributions extérieures, la
diffusion de versions modifiées de cette ressource n’est pas souhaitable.</p></licence>
</availability>
</publicationStmt>
<sourceDesc>
<bibl> Anonyme, « Des jeux, des spectacles, et des bals, qui sont défendus aux Filles
Chrétiennes », in <hi rend="i">Instruction chrétienne pour l'éducation des filles. Tirée
des maximes de l'Evangile, des SS. Pères, et des Conciles</hi>, <pubPlace>Paris</pubPlace>, <publisher>Urbain Coustelier</publisher>, <date>1687</date>,
<biblScope>p. 274-320</biblScope>. </bibl>
</sourceDesc>
</fileDesc>
<profileDesc>
<creation>
<date when="1687"/>
</creation>
<langUsage>
<language ident="fre"/>
</langUsage>
</profileDesc>
</teiHeader>
<text>
<body>
<div type="frontispiece">
<head rend="small">[FRONTISPICE]</head>
<p rend="center">INSTRUCTION<lb/>CHRETIENNE<lb/>POUR L’EDUCATION<lb/>DES FILLES. <lb/>Tirée
des maximes de l’Evan-<lb/>gile, des SS. Pères, et<lb/>des Conciles.<lb/>DEDIE<lb/>A
MADAME<lb/>DE MAINTENON. <lb/><lb/>A PARIS,<lb/>Chez <hi rend="sc">Urbain
Coustelier</hi>,<lb/>ruë Saint Jacques, au<lb/>Cœur-Bon. <lb/>MDCLXXXVII<lb/>AVEC
PRIVILEGE DU ROY</p>
</div>
<div type="chapter">
<pb n="274" xml:id="p274"/>
<head>CHAPITRE XIII. Des jeux, des spectacles, et des bals, qui sont défendus aux Filles
Chrétiennes.</head>
<p>Les personnes du monde, dit S. Augustin<note resp="author" place="margin">August.
[Augustin] Lib. 10. <hi rend="i">Conf</hi>. [<hi rend="i">Confessions</hi>] C.
23.</note>, aiment la vérité, lorsqu’elle leur montre sa lumière, et qu’elle brille à
leurs yeux, et ils la haïssent, lorsqu’elle leur représente leurs défauts, et qu’elle les
pique jusqu’au vif ; ils l’embrassent, lorsqu’elle leur découvre ses agréments et sa
beauté, et ils <pb n="275" xml:id="p275"/>ne la peuvent souffrir ; lorsqu’elle les découvre à eux-mêmes,
parce qu’elles veulent asservir cette vérité à leurs affections, et non pas leurs
affections à la vérité, et que l’amour de l’amour-propre l’emporte sur l’amour de la
vérité. De là vient qu’ils s’élèvent contre ceux qui leur représentent leurs vices et
leurs passions injustes, ils les fuient, ils les évitent, et ne les peuvent supporter de
peur que la vérité connue, ne les force d’abandonner ce qu’ils aiment. Ainsi ceux qui
aiment les jeux, le bal, la comédie, et qui suivent le luxe et les vanités du siècle, ne
veulent point entendre traiter chrétiennement ces matières, afin de pécher plus librement
et sans inquiétude, et comme leur goût est dépravé, ils trouvent de l’amertume dans les
viandes les plus douces. On a beau leur dire, qu’il y a des jeux défendus, des spectacles
et des assemblées dangereuses, ils tournent la tête, s’en moquent, se ferment les <pb n="276" xml:id="p276"/>yeux, et se bouchent les oreilles pour ne point voir ni entendre toutes ces
choses, qui leur déplaisent. Je sais avec S. Grégoire, qu’il y a des jeux et des
divertissements permis, et que l’on en peut prendre, comme on prend une médecine pour
purger le corps de ses mauvaises humeurs, et le rendre plus capable et plus propre au
travail : mais nous entendons parler ici de ces jeux défendus, qui ruinent les familles,
qui remuent et excitent les passions, et font perdre le temps, qui est si précieux.</p>
<p>On voit des femmes et des Filles si entêtées, et si passionnées du jeu, qu’elles n’ont
que cela dans l’esprit, elles en perdent le boire et le manger, et passent en cet excès
les jours et les nuits, sans se mettre en peine de s’acquitter de leurs devoirs
essentiels ; elle négligent même leurs prières, et souvent perdent la Messe les Fêtes et
le Dimanches ; on les voit toujours occupées de leur perte ou de <pb n="277" xml:id="p277"/>leur gain,
du lieu où elles iront jouer, où l’on tiendra table ouverte, et où l’on s’assemblera ;
enfin, elles sont si souvent dans l’exercice du jeu, qu’elles courent risque de mourir les
cartes à la main ; jusques là même que j’ai ouï dire, qu’une femme de qualité étant en
couche, demandait sans cesse à sa garde, quand elle pourrait jouer, ne s’affligeant
d’autre chose, que de ce que ses Médecins ne lui permettaient pas de battre des cartes, ou
de remuer des dés.</p>
<p>En vérité, est-ce là la vie d’une femme Chrétienne, à qui Dieu n’a donné la vie, que pour
l’employer à son salut. On dit dans le monde que l’on joue pour tuer le temps ; est-ce là,
je vous prie, un langage Chrétien ? vous tuez le temps en jouant et en vous divertissant,
mais le temps vous tuera à son tour, et fera votre condamnation. Il viendra un jour où
vous demanderez du temps pour faire pénitence : mais Dieu vous le refusera, dit <pb n="278" xml:id="p278"/>l’Ange de l’Apocalypse, la femme et la Fille sage font toutes deux leur
divertissement de leur occupation, et la femme et la Fille insensée font leur occupation
de leurs divertissements ; il faut donc se faire une joie et un plaisir de s’occuper
toujours ; et de faire son devoir. Tous les Pères ont admiré la parole de cet Empereur
Païen, qui croyait avoir perdu le jour, quand il l’avait passé sans faire aucune bonne
action ; et les Chrétiens auront si peu de Foi, que de perdre inutilement le temps, que J.
C. nous a acheté au prix de son Sang. Si un damné pouvait en avoir un seul moment, il
achèterait au prix de mille vies, s’il les avait ; les Chrétiens n’ont pour but dans le
jeu, et dans les divertissements qu’ils prennent, que de laisser passer le temps sans le
sentir, où plutôt sans se sentir eux-mêmes.</p>
<p>Saint Cyprien, qui est celui de tous les Pères, qui a mieux traité du jeu, dit que c’est
un crime et <pb n="279" xml:id="p279"/>une honte à un Chrétien de s’y occuper entièrement. S. Isidore
Archevêque de Séville en Espagne, en apporte la raison, lorsqu’il dit qu’on idolâtre dans
le jeu, parce qu’on n’y reconnaît plus la Providence de Dieu, et qu’on n’y adore que
l’empire du destin et de la fortune ; c’est là, dit ce savant personnage, où les hommes se
donnent aux divertissements, au lieu de s’y prêter. Voyez-vous dans ce miroir fidèle
toutes les passions, qui se remuent, ce bouillonnement de cœur, ces émotions, cette
impétuosité de nature, ces agitations du corps, cet air sombre et mélancolique, ces
paroles piquantes et injurieuses, ces blasphèmes exécrables, qui sont quelquefois dans la
bouche même des plus beaux joueurs. Ce qui a fait dire à S. François de Borgia, que le jeu
était toujours très dangereux : et que quand on s’y donnait avec trop d’attache, on y
perdait quatre choses, le temps, <pb n="280" xml:id="p280"/>l’argent, la dévotion et la conscience.</p>
<p>Pour ce qui regarde les spectacles ; je ne répèterai point ce qu’on en a écrit depuis
peu ; ceux qui ont traité cette matière à fond, n’ont rien oublié pour en donner de
l’horreur. S. Augustin confesse, que l’amour qu’il a eu pour les spectacles, a été pour
lui un attrait à la volupté, et qu’il n’en est jamais sorti si chaste qu’il y était entre,
parce que tout ce qu’on y entend, débauche les sens, séduit l’esprit, et corrompt le cœur.
C’est ce qui fait dire à S. Cyprien, que la comédie est une école d’impureté, et le lieu
où l’on prostitue la pudeur. Salvien Evêque de Marseille dit, que de son temps on faisait
faire au Baptême une particulière renonciation d’aller à la comédie. S. Basile l’a
condamnée, S. Chrysostome veut qu’on la fuie comme une peste publique : et Tertullien dans
son <hi rend="i">Livre des Spectacles</hi><note resp="author" place="margin">Tertull. de
Spectac. [Tertullien, <hi rend="i">de Spectacula</hi>] C. 4.</note>
<pb n="281" xml:id="p281"/>montre et prouve fortement, que la Religion Chrétienne a une aversion extrême
pour ces sortes de divertissements, qu’elle les abhorre, et qu’elle ne les peut supporter.
Minutius Felix déclame contre ces passe-temps dangereux, dans son Apologie<note
resp="editor" place="bottom">[NDE] <hi rend="i">Octavius</hi>, paragraphe 36.</note>
qu’il a fait pour défendre les Chrétiens ; et Comitorius a fait un traité admirable<note
resp="editor" place="bottom">[NDE] Voir <hi rend="i">Vigilum romanorum latercula duo
Coelimontana magnam partem militia</hi>, III, 2, 11.</note>, où il prouve que d’y
assister, c’est un péché mortel, comme l’assure aussi S. Augustin : la raison qu’il en
apporte, c’est, que ceux qui vont à la comédie, contribuent et participent au péché de
ceux qui la jouent. Or il est certain que les comédiens sont excommuniés et retranchés de
la Communion des Fidèles par les saints Conciles, comme celui de Carthage en Afrique,
d’Arles en France, d’Elvire en Espagne. L’Empereur Théodose condamna les bouffons et les
farceurs aux bêtes farouches ; et August et Marc Aurèle, tous païens qu’ils étaient, les
faisaient <pb n="282" xml:id="p282"/>mourir, ou les envoyaient en exil.</p>
<p>Mais pourquoi blâmer la comédie ? il n’y a point de mal, on y apprend à vivre dans le
monde ; mais prenez garde qu’il n’y a rien d’innocent dans ces divertissements qui sont
souvent des occasions prochaines de péché à ceux qui s’y trouvent, sans avoir mauvaise
intention, parce que les comédiens d’aujourd’hui sont semblables à ceux dont parle
Sénèque, qui corrompaient de son temps les mœurs, sous le beau prétexte de les reformer,
et qui sous couleur de reprendre le vice, l’insinuaient adroitement et avec artifice dans
les esprits des spectateurs, et qui voulant corriger les hommes en les divertissant, les
perdent en les faisant rire, et meurent par cette fausse joie, comme ceux qui ont mangé de
l’herbe Sardonique<note resp="editor" place="bottom">[NDE] Il s’agit d’une herbe toxique,
sans doute l’œnanthe safranée, qui pousse uniquement en Sardaigne et qui fait mourir en
contractant les muscles de la bouche, d’où vient l’expression « rire
sardonique ».</note>, selon la remarque des Naturalistes. En effet, ne voyons-nous pas
par expérience, que la naïveté malicieuse dans la bouche d’une jeune Comédienne, qui fait
<pb n="283" xml:id="p283"/>l’innocente Agnès, a débauché plus de femmes, et corrompu plus de Vierges,
que les écrits les plus licencieux de ce Philosophe, qui fut autrefois chassé d’Athènes,
parce qu’il se vantait que personne ne sortait chaste de son école<note resp="editor"
place="bottom">[NDE] L’auteur reprend les termes du sieur de Rochement dans <hi rend="i"
>Observations sur le Festin de Pierre</hi>, 1665.</note>. Et quoique toute la France
ait l’obligation à feu Monsieur le Cardinal de Richelieu, d’avoir épuré et purifié le
théâtre de la comédie, et d’avoir réformé jusqu’aux habits, et aux gestes de cette
courtisane effrontée. Ce sage et prudent politique, dont les vives lumières perçaient
jusques dans l’avenir, n’en a pas pour cela retranché tout ce qui peut encore choquer la
pudeur, et blesser la chasteté des honnêtes femmes. Tertullien rapporte l’histoire d’une
Fille Chrétienne, qui fut possédée du Démon, pour avoir une seule fois assisté à la
comédie, et comme on l’exorcisait, et qu’on demandait au Démon, qui l’avait fait si hardi
que d’entrer dans cette jeune Fille, qui appartenait à <pb n="284" xml:id="p284"/><hi rend="sc"
>Jesus-Christ</hi> par son Baptême ? Il répondit, qu’il y était entré, parce qu’il
l’avait trouvée sur ses terres, et dans le lieu de son domaine. En effet, c’est là où le
Démon règne avec empire ; c’est là qu’il corrompt les âmes les plus pures par des idées
dangereuses, par des gestes dissolus, par des postures lascives, et par des paroles
indécentes et malhonnêtes dont on fait gloire ; si bien que c’est un dangereux écueil pour
la pureté des Filles, qui le doivent éviter avec soin, si elles ont de l’amour pour Dieu
et pour leur salut.</p>
<p>La danse chez les Romains n’était pas permise aux honnêtes gens ; c’est pourquoi Salluste
reproche à Sempronia Dame Romaine, d’avoir trop bien dansé pour une honnête femme<note
resp="editor" place="bottom">[NDE] <hi rend="i">Conjuration de Catilina</hi>,
XXV.</note> ; et Cicéron dans l’Oraison <hi rend="i">pro Murena</hi>, dit que la danse
est une espèce d’ivresse défendue aux personnes qui font profession de vertu<note
resp="editor" place="bottom">[NDE] Il s’agit d’une accusation faite par Caton contre
Murena, que Cicéron réfute.</note>. C’est peut-être dans cette pensée qu’un Italien <pb n="285" xml:id="p285"/>l’appelle une folie qui passe de la tête jusqu’aux pieds : néanmoins on peut
dire, à la honte de plusieurs Mères Chrétiennes, que leurs Filles savent plutôt un pas de
danse, que les principes de leur Religion, tant elles ont soin de les rendre agréables au
monde, sans se soucier de plaire au Seigneur. Cependant Dieu parlant aux Filles de
Jérusalem par son prophète Ezéchiel, leur dit<note resp="author" place="margin">Ezech.
[Ezechiel] Cap. 25.</note>, parce que vous avez joué des mains et des pieds, et que vous
avez par là épanché et répandu vos cœurs : j’étendrai ma main dessus vous, et vous ferai
mourir. Les Filles et les femmes Israélites irritèrent Dieu par leurs danses et leurs
idolâtries<note resp="author" place="margin">Exod. [Exode] 12.</note> ; ce qui obligea
Moïse, percé de douleur, de briser les tables de la Loi, et de commander aux Lévites de
prendre les armes, de les mettre à mort, et de les tuer sur la place. La Femme du jeune
Tobie voulant se justifier devant Dieu, assure qu’elle ne s’est jamais trouvée dans les
jeux<note resp="author" place="margin">Tob. [Tobie] C. 3.</note>
<pb n="286" xml:id="p286"/>et dans les danses. C’est ce qui a fait dire à saint Ambroise qu’il n’y a que
les femmes et les Filles prostituées qui s’y adonnent ; car peut-il y avoir de la pudeur
où l’on danse ? Vous voyez par là, Mères Chrétiennes, continue ce grand Saint, ce qu’il
faut apprendre à vos Filles : que la femme adultère danse ; mais que celle qui est chaste
et pudique, enseigne à ses Filles la piété, et non pas à danser.</p>
<p>Nous voyons dans l’Ecriture, que la danse a fait perdre la vie au meilleur ami de <hi
rend="sc">Jésus-Christ</hi>, et que la tête de St. Jean-Baptiste, qui pouvait, dit S.
Chrysostome, convertir tout le monde, a été le prix de la danse d’une jeune baladine. Le
Diable ne trouve point de moyen plus puissant, pour obtenir d’Hérode la mort de ce S.
Précurseur, qui faisait l’admiration de la Judée, au rapport même de l’Historien Joseph,
que faire danser devant le Roi une Fille <pb n="287" xml:id="p287"/>mondaine fort ajustée, et fort
adroite à cet exercice. Serait-il possible que vous n’eussiez pas en exécration une chose
qui a été si nuisible à toute l’Eglise, qui a tant affligé <hi rend="sc">Jésus-Christ</hi>
par la mort d’un homme qu’il aimait ? Dieu même nous l’avait donné, et la danse nous
l’avait ravi cruellement ; quand il n’y aurait autre chose à objecter contre la danse,
cette considération seule vous doit faire prendre la résolution de ne danser jamais,
puisque la danse a fait perdre la vie à S. Jean, je ne crois pas que vous voulussiez faire
le moindre usage d’un couteau, qui aurait servi à égorger votre ami.</p>
<p>Mais ce qui vous oblige, malgré vous, d’abandonner ce malheureux divertissement, c’est
une foule et un nombre presque infini de péchés, qui composent une longue chaine, dont on
a de la peine à voir la fin. Il y en a qui précèdent la danse, et d’autres qui la <pb n="288" xml:id="p288"/>suivent, je vous prie de les remarquer.</p>
<p>Si vous entrez dans la chambre de cette personne, qui se dispose d’aller au bal : vous la
trouverez devant un miroir, se consultant sans cesse environnée de servantes, ou de ses
bonnes amies, qui s’étudient à orner sa tête de frisures, de rubans, et le reste. Les
linges et les toiles les plus transparentes, et les plus courtes sont les meilleures, afin
que les nudités se voient plus grandes ; elle pratique mille inventions pour attirer les
yeux, et gagner le cœur des jeunes hommes. Si elle a quelque défaut naturel, on supplée à
tout, les poudres changent la couleur des cheveux, le fard et les pommades unissent les
visages, qui ne le sont pas ; les corps de jupes sont pleins d’artifice, pour corriger les
défauts, et pour couvrir les difformités de la taille ; on charge ensuite le corps de
rubans, dont la diversité des couleurs répond à la diversité des passions. On met <pb n="289" xml:id="p289"/>enfin mille autres agréments où l’on juge qu’ils auront de l’éclat et de la
bonne grâce. On étudie avec affection ses démarches, ses regards, ses gestes, son
discours, et généralement tout ce qu’on doit faire pour plaire au monde. C’est ainsi, dit
le Prophète Royal<note resp="editor" place="bottom">[NDE] David.</note>, en se plaignant
de ces excès, que l’on ajuste, et que l’on pare les Filles du siècle, que l’on veut
produire, et que l’on souhaite de faire paraître au grand jour : en sorte, dit-il,
qu’elles sont en état de tenir la place d’une Idole au milieu d’un Temple, pour recevoir
les encens, les adorations et tous les honneurs, qui ne sont dus qu’a Dieu seul.</p>
<p>L’extérieur d’une fille mondaine ainsi parée, découvre assez clairement les différentes
pensées de son âme ; elle désire ardemment d’être trouvée belle, sa prétention est
d’attirer auprès de soi les garçons les plus divertissants, les plus agréables, les mieux
faits, les plus <pb n="290" xml:id="p290"/>enjoués, et les plus galants ; elle veut faire des conquêtes,
et gagner des cœurs ; elle se préfère à toutes les autres Filles ; elle se tient fière, et
prend un air de grandeur pour survendre ses appas, et se faire mieux valoir ses attraits ;
elle ne sort de son logis, qu’après s’être regardée et considérée plusieurs fois ; elle
porte encore un miroir de poche, pour se mirer dans tous les lieux où elle va ; son image,
que ce miroir lui représente, lui plaît infiniment ; elle prend en elle-même un repos
orgueilleux ; cherchant à l’entour d’elle des approbateurs qui soient de son sentiment ;
c’est-à-dire en un mot, que cette âme superbe et dédaigneuse est toute remplie de vanité,
de présomption, de vaine gloire, et de tous les autres mouvements, que la sensualité et
l’orgueil ont coutume d’inspirer ; son cœur en est tout enflé et tout bouffi. Je vous
laisse à penser, si dans cet état il y a un Dieu pour elle ; et si son souvenir n’est <pb n="291" xml:id="p291"/>pas effacé de sa mémoire, comme s’il n’avait jamais été, ou qu’il dût bientôt
n’être plus.</p>
<p>Voilà bien des péchés avant que d’être sortie de la maison, et des péchés d’autant plus
dangereux, qu’ils sont spirituels et imperceptibles. Cependant c’est cet orgueil et cette
complaisance, qui gâta tellement l’esprit du premier Ange<note resp="editor"
place="bottom">[NDE] Lucifer.</note>, que Dieu ne le peut<note resp="editor"
place="bottom">[NDE] « peut » pour « put ».</note> souffrir un moment en sa présence. Il
faut avouer que votre insensibilité est extrême, si ces péchés ne vous pèsent pas sur le
cœur : car leur poids est si grand, dit S. Chrysostome, qu’étant dans l’esprit de Lucifer,
les voûtes du Ciel ne le purent plus supporter.</p>
<p>Voyons maintenant cette Fille mondaine dans l’assemblée ; elle n’est pas plutôt assise,
que ses yeux courent partout pour voir les autres, et sur le champ son cœur est saisi de
jalousie contre les unes ; et de mépris contre les autres : celles qui sont plus
courtisées, excitent son envie ; et si elle l’est plus <pb n="292" xml:id="p292"/>que les autres, son
orgueil s’enfle, et les regardant avec dédain, elle les porte à la vengeance. C’est là où
l’on déchire son prochain par des malices, qu’on appelle agréables et spirituelles. C’est
là où la calomnie la plus fine et la mieux inventée est la plus agréable, quoiqu’elle soit
la plus piquante, la raillerie y est le jeu le plus innocent, cependant elle cause de si
vifs ressentiments, que les années entières ne suffisent pas pour les apaiser. Je n’ose
pas vous parler des offenses que souffre la pudeur ; j’ai cru néanmoins qu’il n’était pas
mal à propos de vous en dire quelque chose qui vous fasse mieux juger des injures qu’on y
fait à cette vertu.</p>
<p>Tout le monde sait que la concupiscence est une source fatale d’impureté, que les deux
sexes portent au milieu d’eux en naissant. Nous entrons, dit S. Augustin, dans cette vie
accompagnés de cet ennemi dans la nécessité de le vaincre, et c’est être heureux : ou d’en
<pb n="293" xml:id="p293"/>être vaincu, et c’est être réprouvé. Il n’y a point de trêve ni de paix à
espérer ; vous avez beau fuir dans les déserts et dans les solitudes, dit saint Jérôme ;
l’esprit et la chair sont dans votre personne, comme deux ennemis furieux, qui s’enferment
dans un tonneau armés de poignards : vous voyez bien qu’il n’y a point de fuite à
prendre : il faut nécessairement que l’un des deux périsse. Voilà une étrange extrémité.
C’est néanmoins celle où vous êtes réduite, et ce qui rend votre condition encore plus
misérable, c’est que si vous surmontez aujourd’hui votre passion, elle se révoltera
demain ; et vous aurez autant de peine à vaincre cette nouvelle attaque, que la première.
Ces révoltes continuelles dureront autant que vos jours, la mort seule vous en délivrera
entièrement, lorsqu’elle séparera l’âme de votre misérable corps de corruption. Avouez que
c’est pour tous les hommes un grand sujet <pb n="294" xml:id="p294"/>d’humiliation, d’affliction, et de
crainte d’avoir un adversaire si puissant, et si opiniâtre dans la persécution : cependant
que faites-vous, Filles mondaines par vos ajustements trop affectés ? Vous fortifiez, dit
le même S. Augustin, le parti de votre ennemi. Ce sont des troupes auxiliaires, que vous
appelez pour votre ruine ; ce grand Saint exprime sa pensée avec des termes dignes de son
esprit, et que je vous prie de remarquer. Il appelle ces habits somptueux, ces nudités,
ces pruderies, ces rubans, ces frisures, ces cadences, ces bals et tous ces
divertissements mondains, des escadrons de concupiscence. En effet, si celle qui est née
avec vous, était éteinte, toutes ces choses seraient capables de la faire revivre. Après
cela, jugez si vous pourrez surmonter cet effroyable ennemi que la nature a renfermé dans
vous-même, puisque vous en avez tant d’autres sur les bras, que l’artifice du monde vous a
suscités, et qui <pb n="295" xml:id="p295"/>vous plaisent pour votre malheur.</p>
<p>Pour vous faire encore mieux comprendre combien la concupiscence, qui est enracinée au
milieu de nous, est redoutable, considérez avec attention ce qui s’est passé en la
personne de S. Paul : ce grand Apôtre, cet homme ravi en extase jusqu’au troisième Ciel,
ce vaisseau d’élection choisi pour porter l’Evangile par toute la terre, ce grand S. Paul
est rempli de grâces et de bénédictions, et néanmoins il crie au secours de toutes parts
dans les excès et dans les violentes insultes<note resp="editor" place="bottom">[NDE]
insultes = agressions.</note> que la concupiscence fait en lui ; il a paru tout trempé
des naufrages, dont il s’était garanti ; on l’a vu se relever tout meurtri de dessous une
grêle de cailloux dont on l’avait lapidé ; il s’est trouvé mouillé, fatigué, couché à
plate terre dans le fort de l’hiver, et au milieu de toutes ces afflictions, on l’entend
se plaindre de la tyrannie de la chair, de la manière du monde la plus <pb n="296" xml:id="p296"/>pitoyable. Tous ses travaux, ses fatigues, ses persécutions, ses combats et sa sainteté,
ne le peuvent pas délivrer des violences, que cette cruelle passion exerce contre lui,
elle ne lui donne ni trêve ni repos, il se jette à deux genoux, il crie miséricorde<note
resp="author" place="margin">S. Paul. Ep. [Epistola] ad Rom. [Romanos] C. 7. V. 23. 24.
25</note>, il déplore sa condition, voyant que son esprit, qui ne saurait plaire à Dieu,
s’il n’est pur, est engagé dans son corps, comme au milieu d’un bourbier : quel moyen
qu’il ne se salisse pas ? Vous seul ô mon Dieu, pouvez me préserver par la grâce que mon
Sauveur m’a acquise. En effet, Notre Seigneur lui ayant refusé de le délivrer de cette
maudite tentation<note resp="author" place="margin">Epist. [Epistola] 2. ad Cor.
[Corinthios] C. 12. v. 7.</note>, il lui promet en même temps son secours, avec lequel
il l’assure qu’il pourra s’en défendre. N’est-il pas vrai qu’il semblait n’y avoir plus
rien à craindre pour S. Paul, puisque la grâce même lui est promise de la bouche même de
<hi rend="sc">Jésus-Christ</hi> ? Cependant il n’en demeure pas <pb n="297" xml:id="p297"/>là, il
travaille, il prie, il fuit les occasions, et dans ses retraites il fait de très austères
pénitences, il afflige son corps par les jeûnes et par les veilles, il lève la main sur
lui, et le châtiant jusqu’a l’effusion du sang, il le réduit à vivre selon les lois de
l’esprit, de peur, dit-il, qu’en l’épargnant, je ne me trouve dans le nombre des
Réprouvés. Qui ne tremblera pas, après saint Paul ? Dira-t-on, après cet exemple, que
l’assemblée des bals est innocente, et qu’il n’y a point de mal ? Comment voulez-vous que
ces personnes, qui la composent, qui ont la même passion infiniment plus vive et plus
ardente, dont le corps est nourri si délicatement, vêtu avec tant de mollesse, et de luxe,
assiégées de jeunes gens, qui abandonnent tous leur sens, pour en boire le poison avec
plus de liberté, qui jettent mille regards malhonnêtes, leurs yeux étant comme des canaux
voluptueux par où passe l’amour, et <pb n="298" xml:id="p298"/>comme les ambassadeurs de cette infâme
passion, qui ont des entretiens pleins de tendresse, et souvent pleins de dissolutions :
quand il ne se passerait point autre chose, pouvez-vous dire en bonne foi, que les uns et
les autres sont chastes ? entrez dans leurs cœurs, et voyez ces pensées, ces désirs et ces
affections. Je m’assure que vous avez trop d’honnêteté pour y arrêter trop longtemps votre
vue.</p>
<p>Un des plus illustres Pères de l’Eglise Grecque<note resp="author" place="margin">Sanct.
Basil. [Sanctus Basilius] Lib. de virg. [Liber de virginibus]</note>, compare tous ces
baisers, qu’on permet dans les bals, ces attouchements de mains, ces cajoleries, et autres
indécences qui s’y commettent, aux attouchements du feu. Si vous prenez à main nue un fer
bien chaud, vous voyez sur le champ naître des ampoules, qui s’élèvent, et qui dans peu de
temps deviennent des blessures très cuisantes et très dangereuses. De même, dit ce Saint,
ce sortes d’attouchements trop libres entre les deux sexes, vont subitement <pb n="299" xml:id="p299"/>frapper le cœur, et y causent des inflammations, qui brûlent la fleur de sa pureté, sans
qu’on en puisse éteindre le feu qu’avec de très grandes difficultés.</p>
<p>Vous ne manquerez pas de répondre, qu’on prend bien garde à ces excès, et qu’on ne
souffre pas de semblables familiarités. Et moi je dis après les SS. Pères qu’il y en a
fort peu qui y regardent de si près ; car toutes ces dissolutions criminelles passent dans
le monde pour des enjouements permis. Mais quand cela serait, êtes-vous maîtresse des
cœurs, quand ils ne se toucheraient pas par le bout du doigt, la vue seule des objets
parés de la sorte, cause la damnation de l’âme ; et vous n’en doutez pas, puisque le
Sauveur du monde enseigne dans son Evangile<note resp="author" place="margin">Matth.
[Matthieu] Cap. 5. v. 28</note>, qu’un homme et une femme, qui s’entregardent<note
resp="editor" place="bottom">[NDE] s’entregardent = se regardent l’un l’autre.</note>
avec un mauvais désir, sont dès ce moment coupables de crime devant Dieu. Remarquez qu’il
ne dit pas celui qui parle à <pb n="300" xml:id="p300"/>une femme, ou qui se familiarise avec elle :
mais seulement qui la regarde ; et c’est pour ce sujet qu’il ordonne ensuite de nous
arracher les yeux, si leurs regards portent le péché dans nos cœurs, et il est si
dangereux de voir une femme vêtue de la sorte, que Dieu, pour nous empêcher de tomber dans
le désir qu’il condamne, a eu la bonté dans l’Ecriture d’en faire un commandement, d’en
détourner nos yeux<note resp="author" place="margin">Eccles. [Ecclesiaste] Cap. 6. v.
8</note>. Ne dites donc plus que ce sont des amusements, des bagatelles et des
scrupules. L’exemple de David doit faire trembler les plus hardis et les plus
innocents.</p>
<p>Ce bon Prince, après avoir travaillé dans son cabinet aux affaires de son état, voulut
aller prendre l’air sur un balcon de son Palais qui était fort élevé, de là portait ses
yeux sur la campagne, ils tombèrent malheureusement sur une belle femme, qui était dans un
jardin disposée à se rafraîchir dans un bain. Ce regard éveilla sa passion, <pb n="301" xml:id="p301"/>le feu s’augmenta, il vit cette femme, elle lui plut, il en fut charmé, il avala le
poison, et le vainqueur de Goliath devint en un moment la conquête de Bersabée, sur quoi
S. Augustin demande, pourquoi un objet si éloigné avait fait sur David une si vive
impression. Il répond qu’il ne faut pas avoir tant d’égard à l’éloignement de cette femme,
qu’à la proximité de la convoitise, qui était au milieu de son cœur : <quote>« Mulier erat
longe, sed libido erat prope. »</quote> Après cela jugez du mal, que les approches des
Filles mondaines font dans un bal, et combien elles en font faire.</p>
<p>Ajoutez à tout ce que nous venons de dire, une réflexion qui vous donnera de la
confusion, et à tous ceux qui la feront sérieusement devant Dieu ; considérez ces deux
personnes, qui dansent au milieu d’une nombreuse assemblée, la Fille avance ou recule en
cadence, le garçon la suit. Chacun de son côté fait diverses postures de son corps, <pb n="302" xml:id="p302"/>l’âme se répand toute par les yeux qui sont pleins de douceurs et d’œillades
lascives : on s’échauffe dans cet exercice : on cherche à se plaire l’un à l’autre, et on
s’empresse de se rendre mutuellement des témoignages de l’estime et de l’affection dont on
se trouve possédé. Dites-moi, tout cela est-il honnête ? Cela est-il conforme à la
modestie Chrétienne ? Oseriez-vous défendre et soutenir comme innocent un exercice, qui ne
respire qu’orgueil et qu’impudicité ? Les infâmes privautés, auxquelles la danse donne
occasion par le mélange de deux sexes, ne donnent-ils pas un juste sujet de craindre pour
la pudeur des Filles qui s’y adonnent ? N’appréhendez-vous pas pour elles que leurs âmes
ne soient blessées mortellement, et qu’elles ne soient prostituées, quand leur corps
demeurerait chaste ? car quelles idées voulez-vous que tous ces commerces impriment dans
l’imagination ? Quelles pensées peuvent porter les <pb n="303" xml:id="p303"/>objets dans l’esprit ? et
quelles affections prétendez-vous que ces pensées formeront dans un cœur ? la modestie
m’arrête tout court. J’ai de la confusion de les imaginer, et vous en devez avoir d’y
penser seulement sans les voir : le Royaume de Dieu, comme vous savez, est au-dedans de
nous. C’est <hi rend="sc">Jésus-Christ</hi> qui le dit dans l’Evangile, et le Prophète Roi
remarque que la gloire de la Fille du Roi est au-dedans d’elle-même. Or ce Royaume de Dieu
et cette gloire consistent dans la pureté du cœur, dans l’humilité et dans la modestie,
dans l’aversion du monde corrompu, et dans l’amour de la Croix. Avouez donc que ce Royaume
est détruit, et que cette gloire est éclipsée dans les personnes, qui fréquentent le bal,
où il ne se trouve qu’ambition, qu’orgueil, qu’impureté, médisance, vaine gloire, et amour
de recherche de soi-même. Je vous l’avais bien dit que notre Dieu est un <pb n="304" xml:id="p304"/>esprit infiniment pur et infiniment saint, et que suivant la parole de son Fils unique,
pour être du nombre de ses véritables adorateurs, il faut l’adorer avec un esprit saint,
et un cœur épuré. Dites donc hardiment que tous ceux qui courent, qui cherchent et qui
aiment ces sortes d’assemblées, n’ont point de Religion, parce que partout où la véritable
adoration ne se rencontre pas, la Religion n’y est pas, il faut que la maison tombe
nécessairement en ruine, quand il n’y a plus de fondement.</p>
<p>Cependant l’erreur où vivent la plupart des personnes du monde sur ce point, me paraît si
pernicieuse à l’Eglise et au salut des particuliers, qu’on ne doit rien oublier pour les
désabuser. C’est pour ce sujet, que je veux vous rapporter ce qu’en a écrit une personne
pleine de piété et de lumière. Ce savant homme dit qu’on peut regarder un bal en deux
manières, <pb n="305" xml:id="p305"/>ou par les yeux du corps, ou avec ceux de l’esprit. Qu’est-ce que
les personnes du monde voient dans un bal ? Une assemblée de personnes agréables, bien
mises, bien parées, qui ne songent qu’a se divertir, à prendre leurs plaisirs, et à
contribuer au plaisir commun, ils y voient des femmes et des Filles qui font tout ce
qu’elles peuvent pour se faire admirer et se rendre aimables, et des hommes qui font tout
ce qu’ils peuvent pour leur témoigner qu’ils les admirent et qu’ils les aiment. Ils y
voient un spectacle, qui flatte tous les sens, qui remplit leur esprit de vanités, qui
amollit leur cœur par le son ravissant des violons et des instruments, qui flattent les
oreilles, et qui charment et enlèvent l’âme par une douce et agréable violence. Ainsi
l’amour du monde et des créatures se glisse imperceptiblement dans le cœur de ceux qui se
trouvent à un bal. Mais qu’est-ce que la lumière de la Foi découvre dans ces <pb n="306" xml:id="p306"/>
assemblées profanes à ceux qu’elle éclaire ? elle leur fait voir ce que Dieu et les Anges
y voient, elle leur découvre un massacre horrible d’âmes qui s’entretuent les unes les
autres ; elle leur montre des femmes en qui le Démon habite, qui font à de misérables
hommes mille plaies mortelles ; elle leur fait voir un air contagieux, qui se répand par
tous les sens, et un poison subtil qui se glisse dans tous les cœurs ; enfin elle leur
fait paraître une infinité d’esprits malins, qui se moquent de ces malheureux, et qui se
raillent de leurs illusions et de leurs aveuglements. Voilà ce que la Foi nous apprend,
voilà ce qu’elle nous découvre par ses lumières, et qui assurément n’approchent pas de la
réalité ; car on manque de pensées et d’expressions pour donner un portait au naturel, et
pour faire une peinture vive et parlante de ce divertissement, qui est aussi ridicule
qu’il est honteux ; car si l’extravagance <pb n="307" xml:id="p307"/>ne s’était naturalisée dans nos
mœurs ; nous appellerions folie ce qu’on nomme gentillesse. Ne dites pas que les hommes
n’ont pas assez de pouvoir pour porter une femme ou une Fille d’honneur à un sentiment, ou
à quelque action malhonnête, si elle ne le veut, et que vous vous en garantirez bien. Vous
ne connaissez pas assez votre faiblesse, vous présumez trop de vous-même. Pensez à ce que
fit S. Pierre, lorsqu’il renia <hi rend="sc">Jésus-Christ</hi>. Quand vous êtes aux pieds
des Confesseurs, vous changez bien de langage ; la vérité et votre conscience vous
contraignent d’avouer tout ce que nous venons de dire, et souvent votre plus grand malheur
et celui des autres femmes, ou des Filles vient d’un premier entretien dans un bal, ou de
quelque autre divertissement, dont on leur a donné le régal, et qui les a fait tomber.
Elles ont continué, et cette première démarche a été la cause de toutes <pb n="308" xml:id="p308"/>les
autres, elles s’en sont confessées, mais elles n’ont pas quitté les occasions dangereuses.
Une flamme mal éteinte est facile à rallumer. Pour ce qui regarde le pouvoir des femmes
sur l’esprit des hommes, il n’est que trop connu par de funestes expériences. Il y en a
peu qui y résistent, et le seul secret pour s’en défendre, c’est de fuir. Fuyez, dit S.
Paul, c’est le meilleur moyen de demeurer victorieux dans ce genre de combat si dangereux
à la chasteté. Les femmes néanmoins ne doivent pas tirer avantage de cette force : et
c’est, dit un grand Saint, comme si on se vantait de la force d’un poison malin, qui
tuerait un homme sur le champ, ou comme si on estimait la violence d’un torrent impétueux
qui ravagerait tout ce qu’il rencontre, ou enfin comme qui louerait la force des vents,
qui font périr les vaisseaux sur la mer, et qui renversent quelquefois les arbres et les
maisons sur la terre.</p><pb n="309" xml:id="p309"/>
<p>Voilà des exemples mémorables de la puissance des femmes sur les hommes,
tirés de l’Ecriture sainte. Samson le plus fort de tous entre les mains de ses ennemis,
devint le plus faible entre les bras de Dalila, qu’il aimait passionnément. Salomon, le
plus sage de tous les mortels, devint le plus fol de tous les hommes pour l’amour de ses
courtisanes, qui le firent idolâtrer, et donner de l’encens à leurs fausses Divinités. Qui
ne tremblera pas après de tels exemples ? Mais celui du saint homme Job me semble encore
plus fort pour prouver cette vérité : c’est un homme qui tenait le rang d’un prince dans
son pays, comblé de richesses, d’honneurs, d’amis, et d’autorité, au au milieu d’une
famille la plus heureuse qui fût au monde, par le moyen du nombre des Enfants bien nés et
bien faits, que Dieu lui avait donnés. Ce bon Prince voit en un seul jour périr tous ses
Enfants, il se trouve <pb n="310" xml:id="p310"/>tout d’un coup dépouillé de tous ses biens, et réduit à
se jeter sur un fumier par l’abandon que tout le monde fit de sa personne. Avouez que
voilà un esprit bien affligé et bien accablé de douleur, son corps ne l’est pas moins, un
ulcère le couvre tout entier, ses douleurs et l’infection semblaient le devoir garantir
des insultes de la chair ; cependant il s’y fie si peu, que pour s’en défendre au milieu
de sa misère, il fait une convention secrète avec ses yeux, de leur donner quelque
liberté, à condition qu’ils ne regarderaient jamais ni femme, ni Fille, afin de conserver
la pureté de son cœur. Il faut donc que la vue d’une femme soit bien contagieuse,
puisqu’un homme, qui a le corps presque tout pourri, l’esprit accablé de tristesse, et
soutenue d’une protection particulière de Dieu, sans s’arrêter ni à la sainteté, ni à son
affliction a cru qu’il ne pouvait se mettre en sûreté, qu’en obligeant ses yeux par un <pb n="311" xml:id="p311"/>pacte fait exprès<note resp="author" place="margin">Job. C. 31. v. 1.</note>,
de ne jeter jamais un regard sur aucune Fille.</p>
<p>Mais, répondrez-vous, il faut donc dire adieu à la joie, et au plaisir ; quand cela
serait, il ne faut point tant se récrier ; il n’y aurait rien qui ne fût très conforme au
Christianisme, puisque <hi rend="sc">Jésus-Christ</hi> allant mourir pour tous les hommes,
fit son testament, et comme un bon et sage Père, il laissa au monde la joie et les
plaisirs en partage ; mais pour les véritables Chrétiens, il leur a laissé les pleurs et
les tristesses. Voilà notre legs : voyez si vous voulez être héritière de <hi rend="sc"
>Jésus-Christ</hi>, ou renoncer à sa succession et à son Paradis. Votre sexe semble
avoir eu plus de part à la Croix de <hi rend="sc">Jésus-Christ</hi>, qu’a sa gloire ; car
on a vu trois Marie sur le Calvaire, et on n’en a pas vu une seule sur le Thabor avec les
Apôtres. Vous voudriez bien abandonner le Sauveur, lorsqu’il va mourir pour vous, et
voudriez-vous <pb n="312" xml:id="p312"/>bien faire de cette vie, qui est une vallée de misères, un
paradis de délices, où <hi rend="sc">Jésus-Christ</hi> n’a trouvé que des amertumes, des
peines et des douleurs.</p>
<p>Mais, répondrez-vous, toujours vivre sans plaisir, ce n’est pas vivre, j’aimerais autant
mourir, car la vie Chrétienne n’est qu’une mort continuelle. Vous avez raison, c’est la
juste idée que le saint Evangile, saint Paul, et tous les Pères nous en ont donné. Il y a
néanmoins d’honnêtes divertissements, qui sont permis, et que l’on peut prendre sans
crime ; et il y a, dit l’Apôtre aux Philippiens, une sainte joie, qui est selon Dieu.
Réjouissez-vous, mais réjouissez-vous dans le Seigneur, c’est-à-dire, selon son Esprit, et
il est bon de se relâcher quelquefois l’esprit et le corps par des récréations honnêtes et
innocentes. S. Jean l’Evangéliste, au rapport de Cassien, se divertissait quelquefois avec
une perdrix, qu’il avait rendue <pb n="313" xml:id="p313"/>familière ; et comme un jour un chasseur lui
demandait, d’où vient qu’une personne de sa gravité passait le temps à un tel
divertissement. Il lui répondit, que son arc ne pouvait être toujours bandé, sans courir
risque de se rompre. Ce qui est défendu dans les divertissements ; c’est de les prendre
avec trop d’affection, trop d’attache, et d’y mettre son cœur. Le jeu, qui n’est pas une
récréation, est une occupation criminelle d’elle-même, qui sert d’occasion prochaine au
péché. C’est pourquoi il le faut éviter de nuit aussi bien que de jour. S. François de
Sales avec toute sa douceur et toute son indulgence, ne compare-t-il pas les danses aux
champignons<note resp="author" place="margin"><hi rend="i">Introd. à la vie dev</hi>.
[<hi rend="i">Introduction à la vie dévote].</hi> C. 33.</note>, dont les meilleurs ne
valent rien, et quand il parle à sa Philotée, ne les appelle-t-il pas des récréations
impertinentes, et des passe-temps très dangereux, parce qu’ils dissipent l’esprit de
piété, affaiblissent les forces de l’Ame dévote, <pb n="314" xml:id="p314"/>ralentissent le feu de la
charité Chrétienne, et excitent dans le fond du cœur mille sortes de mauvaises affections.
Il est vrai qu’il ajoute, que les justes occasions de la danse et du jeu indifféremment
peuvent être, lorsque par une sage condescendance, et une honnête complaisance, qui rend
quelquefois les choses indifférentes bonnes, et les dangereuses permises ; on ne s’en peut
défendre, et qu’on s’y trouve nécessairement engagées, comme aux noces et autres
assemblées rares de parenté et d’amitié, pourvu qu’on en bannisse toutes les mauvaises
circonstances, qui ont été marquées ci-dessus. Cependant avec toutes ces sages précautions
l’Eglise a témoigné l’aversion qu’elle a pour ces sortes de divertissements dans le
Concile de Laodicée<note resp="author" place="margin">Can. [Canon] 3.</note> tenu en l’an
364. sous le Pape Sylvestre ; elle les a défendus même aux noces. Le Concile
d’Aix-la-Chapelle<note resp="author" place="margin">An 856. Cap. 12.</note> les appelle
des actions infâmes. Un des Conciles <pb n="315" xml:id="p315"/> d’Afrique<note resp="author"
place="margin">Cap. 27.</note> les nomme des actions très mauvaises, et nous trouvons
huit Conciles de France<note resp="author" place="margin">Sen. 1524. Bellov. 1554. Paris.
1557. Turon. 1583. Rhem. 1554. Agnen. 1554. Burd. 1624. Aurel. I. C. 22.
<!-- FRANCOIS A REVOIR --></note>, qui les ont tous vigoureusement défendues,
particulièrement les jours de Fêtes et Dimanches.</p>
<p>Le grand S. Charles Borromée Archevêque de Milan, qui a été le Réformateur de la
Discipline Ecclésiastique, et qui a fait revivre l’esprit des anciens Canons, en plusieurs
endroits de ses Actes, et de ses Conciles, les a très étroitement défendues à son peuple,
et même en toute sa Province. Il rapporte aussi qu’anciennement on imposait trois ans de
pénitence à ceux qui avaient dansé et qu’on les menaçait même de les excommunier, s’ils
persévéraient dans cet exercice.</p>
<p>Vous me répondrez sans doute que vous êtes présentement convaincus de ces vérités, et
qu’elles paraissent trop clairement pour pouvoir être contestées ; mais dites-nous, que
faut-il faire au <pb n="316" xml:id="p316"/>milieu de tant de rencontres, dans lesquels la nécessité, ou
la coutume nous emportent, et nous entraînent malgré nous ? Nous voyons bien, dites-vous,
que votre intention est, qu’on se sépare absolument des compagnies dangereuses, et que
l’unique nécessité est d’obéir à Dieu, de sauver son âme. Je l’avoue et le confesse avec
vous, cependant je ne vois pas qu’on le puisse faire qu’avec le temps : car quel moyen de
rompre tout d’un coup les liaisons, les attachements, les alliances et les sociétés qu’on
a avec les personnes du monde ? Cette excuse pourrait être recevable, si les temps
dépendaient de moi, ou de vous ; mais la Majesté de Dieu les a réservés à sa puissance. La
mort est une furieuse, qui ne garde aucune mesure, elle moissonne les fleurs en boutons,
et joint quelquefois le commencement de la vie à la fin dans la plus tendre jeunesse, sans
se mettre en peine si on y trouvera à redire. Vous n’ignorez <pb n="317" xml:id="p317"/>pas que l’homme
ne naît que pour mourir, que le premier pas qu’il fait dans la vie, est la première
démarche qui le conduit au tombeau ; il est coupable et condamné à la mort dès qu’il
commence de vivre ; la sentence est déjà prononcée, mais l’exécution en est différée
autant qu’il plaît au souverain Juge, sans que le criminel en ait la connaissance : voilà
votre condition et la mienne, c’est pourquoi, si nous sommes sages, nous ne devons pas
nous assurer d’un seul moment.</p>
<p>Mais quand vous auriez du temps, peut-on espérer de rompre les liens et de briser les
chaînes, tandis qu’on demeure dedans ? On ne devient pas libre dans l’esclavage : car
lorsqu’on converse avec les femme, Platon dit qu’il en sort de certains esprits
lymphatiques, qui s’unissant à ceux qui sortent de nous, forment la chaîne qui nous serre,
et nous captive ; ce sont des vapeurs malignes qu’exhale notre <pb n="318" xml:id="p318"/>concupiscence,
qui se joignant à celles qu’elles rencontrent, s’épaississent et se condensent, en sorte
qu’il se fait une espèce de soudure qui unit et qui attache l’un à l’autre
inséparablement ; de sorte que comme pour séparer deux choses étroitement unies, il faut
faire des efforts violents, et mettre de l’espace entre deux, de même il faut absolument
que vous vous résoudiez<note resp="editor" place="bottom">[NDE] resoudiez =
résolviez.</note> à vous séparer de toutes les compagnies dangereuses, et vous en
éloigner de fort loin, de peur qu’elles ne vous rejoignent, et ne vous fassent revenir
dans votre premier état.</p>
<p>J’avoue que vous sentirez des peines par les respects humains, et par la contradiction,
que vos inclinations y apporteront : mais la liberté des Enfants de Dieu mérite bien que
vous souffriez cette peine pour l’obtenir : le Ciel ne se donne pas pour rien, il faut
l’acheter bien cher ; les pénitents l’ont acheté aux dépens de leurs larmes, et les <pb n="319" xml:id="p319"/>Martyrs l’ont payé de leur vie et de leur sang. <hi rend="sc">Jésus-Christ</hi>
même n’est monté dans la gloire, que par l’échelle de sa Croix, comme dit S. Léon : il n’y
aura que ceux qui se seront faits de grandes violences, qui auront le bonheur d’entrer au
Royaume des Cieux. Souvenez-vous qu’il se faut couper le pied, et s’arracher les yeux,
pour éviter de tomber dans le péché. C’est le Sauveur qui vous le commande<note
resp="author" place="margin">Matt. [Matthieu] Cap. II. v. 12.</note> : parce que,
dit-il, il vaut bien mieux aller en Paradis borgne ou boiteux, que d’être jeté avec deux
beaux yeux dans le fond des Enfers, c’est-à-dire en un mot, qu’il vaut mieux vous sauver
toute seule, que de vous damner en bonne compagnie.</p>
<p>Au reste, cette entreprise n’est pas si difficile, que vous n’en puissiez venir à bout
avec la grâce de Dieu. Nous en voyons souvent de votre qualité, de votre âge, et de votre
tempérament, qui ont <pb n="320" xml:id="p320"/>surmonté généreusement tous ces obstacles, et les Filles
les plus volages, les plus légères et les plus mondaines, n’ont pas fait grande
résistance, quand elles ont vu l’exemple de leurs Mères. Priez souvent J. C. de vous
secourir ; confiez-vous en lui, dit S. Jean<note resp="author" place="margin">Joan.
[Joannes] Epist. [Epistola] 1. Cap. 4. v. 4.</note>, sa puissance est infiniment plus
grande que celle du monde, et du Prince qui le gouverne. Il vous accordera cette victoire,
si vous la désirez beaucoup, et si aux prières humbles et ferventes, que vous lui ferez
pour ce sujet, vous joignez une charité libérale envers les pauvres.</p>
</div>
</body>
</text>
</TEI>